Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/97

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Gaston reprit son missel comme on s’empare d’un trésor et continua de galoper, sans dire adieu à tous ces hommes verts qui l’avaient persécuté en rêve.

Le missel était, comme nous venons de le constater, acier et velours, avec surtranches hermétiquement adaptées et fermoirs antiques, dont la solidité semblait à l’épreuve. Bien qu’un assez grand nombre d’ecclésiastiques possèdent des bréviaires de cette sorte, nous n’avons point l’intention de tendre un piège à la perspicacité du lecteur. Ce petit livre était très positivement celui qui pendait naguère, attaché par une chaînette d’acier, au cou de monsignor Bénédict. Gaston l’avait trouvé à terre et ramassé au moment où les hôtes de l’archevêque quittaient le salon de verdure, après les histoires racontées. Pourquoi ne l’avait-il point rendu à monsignor Bénédict ? pourquoi, au contraire, l’avait-il caché comme on dissimule un trésor ? Ce jeune et beau marquis de Lorgères n’avait pourtant pas l’air d’un voleur !

À vrai dire, ce ne pouvait être un objet de bien haute importance, puisque Mgr  Bénédict, pendant plus de trois heures que le concert avait duré, ne s’était même pas aperçu de sa disparition.

Il était environ deux heures du matin quand M. le marquis arriva au bout de la rue de l’Université, en face de l’hôtel de la princesse, sa mère. L’hôtel de Montfort était situé non loin du palais Bourbon et presque à l’encoignure de la petite rue de Courty, Gaston passa sans s’arrêter devant la grande et belle porte cochère ; il tourna, toujours courant, l’angle de la rue de Courty et sonna à la porte bâtarde d’une maison de modeste apparence qui était adossée aux revers des jardins de l’hôtel.

Ce simple détail topographique expliquera peut-être au lecteur l’innocent et charitable mystère de la première rencontre de Gaston avec Lénor.

Le pauvre petit logis de M. d’Arnheim touchait au