Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La mort allait les saisir à l’improviste.

Penhoël éprouvait cette angoisse qu’on aurait à voir un malheureux aller, souriant et sans crainte, tandis que derrière lui, dans l’ombre, s’élève la main armée d’un meurtrier.

Sa première idée fut de les avertir du danger. Il se fit un porte-voix de ses deux mains et lança quelques paroles ; mais le vent qui fouettait violemment son visage ne lui laissa point de doute sur l’inutilité de cet expédient. Ce même vent qui apportait si nettes les paroles criées sur l’autre rive opposait à la voix du maître de Penhoël une infranchissable barrière.

Il hésita. Le fracas de l’orage redoublait, et l’on n’entendait plus ni le son de la trompe ni le bruit de l’eau.

— J’aurai le temps…, pensa-t-il ; le messager est loin encore…

Revenant aussitôt sur ses pas, il longea de nouveau la muraille et se dirigea en courant vers la loge de Benoît Haligan, dont la petite lanterne jetait ses lueurs faibles à travers les branches dépouillées des châtaigniers.

Les voyageurs inconnus, arrêtés sur la route de Redon, semblaient s’impatienter fort et criaient :

— Holà ! le passeur !… au bac !… au bac !…

La route était difficile ; la pluie, qui tombait