Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/120

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— J’ai mis deux amarres neuves au grand bac et une chaîne au petit… Vous n’avez rien à craindre pour ce qui est à vous, Penhoël.

— Ouvrez-moi, reprit celui-ci ; il y a des hommes de l’autre côté, sur la route de Redon…

— Oui… oui ! grommela tranquillement le batelier ; je ne suis pas encore sourd, et je les entends bien faire leur tapage… mais j’ai entendu aussi la trompe du messager… Il faudrait être possédé du démon, notre monsieur, pour démarrer le bac à cette heure !

L’oncle Jean avait raison : René de Penhoël était bon au fond de l’âme, et l’appel des malheureux trouvait encore le chemin de son cœur.

Il secoua la porte de la loge avec colère.

— Ouvre !… répéta-t-il d’un ton impérieux ; si tu as peur, donne-moi la clef du petit bac et j’irai les sauver moi-même !

— Quant à ça, répliqua le batelier, dont la voix baissa jusqu’au murmure, j’aimerais mieux oublier le Pater et l’Ave… Voyons, soyez sage, Penhoël !… Vous voyez bien que ce sont des étrangers, puisqu’ils restent là sur le bord à crier comme des possédés après le son de la trompe… au lieu de se sauver à toutes jambes !… Les étrangers, c’est la ruine du pays !

Penhoël entendit à l’intérieur la voix creuse qui murmurait :