Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cinquante et unième aimée, il aurait donné congé bien vite à toutes les autres.

Un volume ne suffirait pas à rapporter tout ce qui se disait d’absurde ou de raisonnable sur le major Berry Montalt. C’étaient tantôt des louanges outrées, tantôt des calomnies folles. Ici on exaltait sa charité prodigue qui répandait autour de lui l’or à pleines mains ; là on prétendait tout bas qu’un grand crime pesait sur sa vie passée, et que son opulence avait odeur de sang. Au dire des uns, il était fier et réservé au point de refuser orgueilleusement sa main d’aventurier à un membre du haut parlement ; au dire des autres, on l’avait vu attablé dans quelque taverne des environs de Covent-Garden, fraternisant avec les boxeurs et les entraîneurs.

Les éclectiques concluaient que tout cela était vrai en masse. Montalt était généreux et criminel comme les héroïques brigands de théâtre ; il était à la fois superbe et curieux des bizarres joies du bas peuple. Aroun-al-Raschid et son visir Giafar n’allaient-ils pas jadis courir la pretantaine dans les cabarets de Bagdad ?

La chose évidente, c’est que Montalt était le plus capricieux des nababs, étant accordé que les nababs sont les plus capricieux des hommes…