Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/32

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Voyons parmi mes anciens noms… À Londres, je m’appelais Robert Wolf.

— C’est trop goddam ! dit Blaise.

— En Italie, on m’appelait Gaëtano.

— C’est trop ténor !

— À Vienne, Belowski…

— C’est trop bottier !… Que diable ! je veux au moins être le valet d’un homme d’importance… Appelle-toi le baron de quelque chose.

— Peuh ! fit l’Américain, on me prendrait pour un sous-préfet de l’empire… Et puis les titres sont bien usés !… Je m’appellerai tout bonnement M. Robert de Blois… C’est simple et ça sonne la noblesse historique… Encore un coup, ami Blaise, et puis nous allons commencer !

Il versa deux amples rasades et leva son verre comme s’il allait porter un toast.

Ses yeux se fixaient à travers les carreaux de la fenêtre sur le port Saint-Nicolas et les campagnes de la Loire-Inférieure qui s’étendaient, à perte de vue, au delà de la Vilaine. Le soleil d’automne, à son déclin, jetait sa lumière rougeâtre sur le paysage. Robert semblait pris par une subite rêverie.

— Le pays est mauvais pour les pauvres diables, c’est vrai, murmura-t-il ; mais voilà de