Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

froide de ses grands yeux noirs, où s’allumait parfois une volupté de commande, lascive et à la fois glacée, on eût dit que, derrière tant de beauté, Dieu avait oublié de mettre une âme…

Aujourd’hui Robert était en une heure de vaillance. Sa poche vide et la famine menaçante le poussaient. Mais la lutte s’annonçait rude, et Robert ne se souvenait point d’en avoir affronté jamais de plus malaisée. En ce moment, ses manières libres et sa physionomie sereine cachaient le plus énergique effort qu’il eût fait peut-être de sa vie.

C’était un travail de tous les instants, un sourd combat sans trêve ni relâche. Il était là, guettant, derrière son sourire, chaque parole du bon aubergiste, interprétant chaque geste et prodiguant son adresse consommée à se faire un levier de la moindre circonstance.

On ne peut dire qu’il eût agi dès l’abord sans réflexion. Tout ce qu’il avait osé était le résultat d’un calcul ; mais il est certain que sa position extrême l’avait jeté, trop brusquement, à son gré, dans cette périlleuse épreuve.

Il avait abordé la bataille sans armes et avec le courage du désespoir. C’était une partie que l’on pouvait gagner à la rigueur, mais qui, considérée de sang-froid, présentait mille chances de perte.