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LES BELLES-DE-NUIT.

deste. Malgré le froid humide d’une journée de novembre, c’était une robe d’indienne qui dessinait la fine cambrure de sa taille. Un petit châle d’étoffe légère et un chapeau de paille, où s’attachait un voile, complétaient sa toilette.

Il y avait en tout cela quelque chose d’indigent et de malheureux ; mais vraiment la jeune femme relevait son costume. Bien qu’on ne pût apercevoir son visage, on devinait la grâce et la beauté derrière les plis épais de son voile. Malgré ce grand air, un aubergiste des environs de Paris eût tiré assurément de la robe d’indienne et du chapeau de paille quelque dédaigneuse conclusion, mais notre hôte était habitué aux mœurs économes et prudentes des châtelaines d’alentour. Il savait qu’en voyage, le long des routes de Bretagne, on trouve parfois des comtesses et des marquises fort étrangement accoutrées.

L’un des deux hommes était en blouse ; l’autre portait un pantalon et un habit de coupe élégante, mais qui gardaient de nombreuses traces de boue à demi effacées.

En somme, ces trois voyageurs n’étaient pas le Pérou, mais le Mouton couronné, auberge principale de la ville de Redon, en recevait encore souvent de plus mal habillés, qui avaient de bons écus de six livres dans leurs poches.