Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/117

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bonheur comme le mien ne se conçoit pas et finit par être fatigant !…

Penhoël tendit son verre, que Lola s’empressa de remplir.

— On dit qu’on ne peut pas être heureux à la fois au jeu et en amour…, murmura le fils de Pontalès en fixant sur le maître un regard où il y avait de la moquerie.

Le marquis lui fit un signe de sévère reproche.

— Moi, j’ai beau parier pour M. de Blois, dit-il avec la bonhomie douce qui distinguait ses manières, tous mes vœux sont pour mon ami Penhoël… C’est une veine comme on n’en a jamais vu !… Dérangez un peu votre chaise, vicomte ; on dit que ces choses-là changent le sort.

Penhoël fit glisser sa chaise sur le parquet avec cette docilité superstitieuse et stupide du joueur vaincu dont la tête se perd.

Ses sourcils étaient froncés violemment ; sa respiration s’embarrassait dans sa poitrine. Il ne prononçait pas une parole.

Le vieux marquis, non content d’avoir donné à son hôte un généreux conseil, changea les deux bougies de place, et dérangea un peu la table.

Grâce à ces manœuvres classiques, il était bien difficile, on en conviendra, que la veine ne fût pas coupée comme avec un rasoir.