Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/188

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et voyant la vie couleur de rose. C’était son jour de fête. Il ne buvait ainsi, à sa soif, qu’une fois tous les ans.

Au premier mot que Blaise lui glissa tout bas dans l’oreille, il quitta sa pose nonchalante et se dressa d’un bond sur ses pieds. On eût pu le voir alors dans toute la longueur de sa taille, avec ses membres étiques et osseux ballottant dans un vêtement de futaine trop large, et qui n’avait plus que la corde.

— Oh ! oh !… dit-il avec gaieté ; il s’agit des chers petits anges !… ça me paraît très-faisable !

Il y avait tant de joyeuse humeur dans son accent, et l’expression de son visage restait si débonnaire, que Blaise ne put s’empêcher de lui dire :

— Me comprends-tu bien ?

— Parfaitement !… répliqua Bibandier sans rien perdre de sa tranquillité sereine ; quand quelque chose démange, on se gratte, mon fils… c’est tout simple… L’Américain en est-il ?

— C’est lui qui monte le coup.

— Bonne affaire ! moi je n’ai pas encore travaillé dans ce genre-là… mais chacun gagne sa vie comme il peut… pas vrai ?

On eût dit que Blaise s’était attendu à plus de résistance, car il regardait Bibandier d’un œil surpris et même un peu inquiet.