Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/244

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Chacun, dans le cimetière, regardait avec stupéfaction.

Benoît se tenait droit et roide auprès des fosses. Son œil cave se fixa d’abord sur Bibandier, qui tourna la tête ; puis sur Pontalès, Robert de Blois, maître le Hivain et Blaise, qui ne purent s’empêcher de baisser les yeux.

Après quelques secondes de silence, le vieux passeur courba lentement sa haute taille et soupesa les deux bières l’une après l’autre.

Tandis qu’il se redressait, on vit autour de sa lèvre flétrie une sorte de sourire…

— Que Dieu prenne en pitié ceux qui vivent et ceux qui sont morts !… dit-il en croisant ses bras sur sa poitrine.

Il salua Jean de Penhoël en l’appelant par son nom, et sortit du cimetière. La foule lui fit un large passage.

En redescendant la colline, ses jambes amaigries chancelaient sous le poids de son corps, mais il ne s’arrêtait point. Il ne cessa de marcher qu’en atteignant le rivage de l’Oust, au pied de l’aune où le grand bac était amarré.

Une fois là, il se mit sur ses genoux et approcha sa tête du sol qui semblait avoir été remué fraîchement.

Ses mains ridées se joignirent, et il se laissa choir, épuisé, sur l’herbe en murmurant :