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croire tout ce que disaient les vieux livres de la bibliothèque.

À mesure que les années étaient venues, leur foi s’était néanmoins modifiée. L’élément intelligent et juste qui était en elles avait fait peu à peu la part de l’impossible et de l’absurde, mais l’amour du merveilleux avait surnagé.

Et par un singulier travail de leur pensée, cette tendance, désormais indestructible en elles, s’était détournée des vieilles fables pour arranger miraculeusement le présent inconnu.

Il était un lieu au monde qui leur apparaissait de loin, environné d’un radieux prestige. Elles y rêvaient la nuit et le jour. Elles le voyaient à travers ce prisme féerique qui montrait jadis aux crédules matelots de l’Espagne les prodiges de l’Eldorado. Ce lieu, c’était Paris.

On ne saurait dire précisément d’où leur étaient venues les idées qu’elles se faisaient de Paris. Elles les avaient prises çà et là, récoltant d’un côté un renseignement, de l’autre un mensonge. Elles avaient écouté d’abord les bonnes gens des environs, pour qui la grande ville était un pays plus lointain et plus invraisemblable que l’Amérique, au temps de Christophe Colomb. Elles avaient interrogé la bibliothèque, dont les bouquins, un peu plus avancés, leur fournissaient des détails tels quels. En