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CHAPITRE PREMIER.

plaintif des mendiants ; bon chrétien, pour l’amour de Dieu !…

Et le même chœur grondait en aparté :

— Coquin d’Angliche ! si nous pouvions t’étrangler tout vif !

Les badauds s’étonnaient et disaient :

— Le fait est qu’il pourrait bien leur donner quelques pièces de deux sous, ce richard-là !… Mais les Anglais, ça a le cœur dur comme un caillou !

Au moment où la voiture s’ébranlait, une main blanche et fine sortit de la portière du coupé, et une pleine poignée de louis d’or tomba sur le pavé de la cour.

Ce fut alors une épouvantable bataille entre les mendiants ameutés.

De mémoire de gueux, on n’avait jamais vu à Rennes une magnificence pareille. Les badauds ouvraient de grands yeux, et plus d’un, parmi eux, avait bonne envie de prendre part à la mêlée.

Tandis que les mendiants, hommes, femmes et enfants, se ruaient les uns contre les autres avec une ardeur digne de l’aubaine, la diligence, à peine lancée, subissait un temps d’arrêt à la porte même de la cour. Tout le monde s’élança de ce côté, dans l’espoir d’un accident, mais ce n’était qu’un voyageur, portant pour bagage