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CHAPITRE II.

rêveries, cette bouche calme où le travail de la vie avait laissé à peine une nuance légère d’amertume.

Ce visage était pour lui comme le reflet d’une âme puissante et blessée. Il allait beaucoup trop loin peut-être dans la poésie de ses suppositions ; mais, malgré lui, son admiration d’artiste se mélangeait de respect, parce qu’il pensait deviner toute une vie de souffrances vaillamment supportées.

L’Anglais fit un mouvement dans son sommeil ; le jeune peintre détourna les yeux pour ne point paraître indiscret.

Son regard se porta naturellement vers le paysage. On avait fait déjà huit ou neuf lieues ; la route courait dans un vallon large et plat entre deux rangs de pommiers rabougris. Sur la droite on voyait des prairies humides où la Vilaine perdait en de capricieux détours son mince filet d’eau.

En somme, l’aspect n’avait rien de remarquable. C’était un de ces paysages de la haute Bretagne qui peuvent se résumer ainsi : des pommiers et un ruisseau.

Mais, tout à coup, la route fit un coude brusque, et le jeune peintre laissa échapper un cri de plaisir qui réveilla son compagnon de voyage.

C’était une sorte de changement à vue. Au