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Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 3, 1850.djvu/26

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LES BELLES-DE-NUIT.

vraie ; mais les sacrifices avaient constamment été du même côté.

Et comme il arrive toujours, l’affection du plus fort pour le plus faible s’était accrue par ces sacrifices mêmes. Tandis que René apprenait à profiter toujours du sacrifice, Louis s’habituait de plus en plus à s’oublier lui-même sans cesse : de sorte que l’égoïsme de l’un grandissait en proportion de l’abnégation de l’autre.

Un jour vint où les deux frères se trouvèrent en face de la même femme. C’était une belle jeune fille au cœur aimant et doux, une âme haute, un esprit gracieux, celle qu’on désire pour épouse et qui réalise le beau rêve des premières amours.

Louis eut l’avantage, comme en toute autre circonstance. Entre lui et son frère le cœur de Marthe ne pouvait point hésiter : il fut aimé.

Impossible de penser que René n’avait point deviné cet amour. Et pourtant il joua l’ignorance.

Sa passion était vive et profonde. Ce fut son frère qu’il choisit pour confident. Louis ne savait pas lequel il aimait le mieux de René ou de Marthe. Un instant il hésita, car il y avait entre lui et la jeune fille un lien mystérieux que nous n’avons point dit encore.

Son cœur saigna ; durant toute une nuit sans