Aller au contenu

Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 3, 1850.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
LES BELLES-DE-NUIT.

jusqu’au fond de cet abîme ?… ajouta-t-il en mettant sa main lourde sur l’épaule de Marthe. C’est l’homme qu’il aimait et c’est la femme qu’il adorait… c’est vous, l’épouse coupable, et lui, le frère indigne… Je vous dis de ne pas parler : je suis le maître ! Vous savez bien que je dis la vérité… Le jour où mon sourcil s’est froncé pour la première fois en regardant le berceau de l’Ange, Dieu avait déjà prononcé mon arrêt… C’était mon dernier espoir qui mourait… Il n’y avait plus rien en mon cœur, et il fallait endormir l’angoisse de ma pensée… J’ai cherché l’oubli dans l’ivresse, dans le jeu, dans l’amour… Et chaque fois que je commettais une faute, c’est vous, vous, madame, qui étiez la coupable !

Il lâcha l’épaule de Marthe, toujours agenouillée, et fit un pas vers le portrait de l’aîné de Penhoël.

— Vous et lui !… reprit-il avec un sauvage élan de colère ; lui surtout, le poison de ma vie !… lui, le plus lâche des hommes !

Il s’était avancé jusque sous le portrait. Il leva la main, et son poing fermé tomba sur la toile qui se creva, percée à la place du cœur.

René ne se connaissait plus. Il arracha le cadre et le précipita brisé sur le sol ; puis il foula aux pieds l’image de son frère en laissant éclater une joie forcenée.