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CHAPITRE IV.

Elles ne se découvraient point, parce qu’elles eussent été forcées d’avouer qu’elles faisaient, elles, filles de Penhoël, le métier de chanteuses des rues ; parce qu’on les aurait peut-être retenues, et qu’il leur eût fallu renoncer à leurs chimériques espoirs. Mais elles se sentaient moins seules et moins abandonnées, lorsqu’elles avaient rendu leur pieuse visite aux anciens maîtres du manoir.

Ces visites, d’ailleurs, étaient autre chose qu’un culte stérile adressé à de chers souvenirs. Les Penhoël vivaient là, depuis deux mois, bien qu’ils fussent dépourvus de toutes ressources ; ils vivaient uniquement grâce aux deux jeunes filles.

Le malheur semble s’acharner sur les vaincus. Le pauvre aubergiste de Redon avait tout quitté pour suivre ses anciens maîtres et pour les servir. Il s’était dit : « Je travaillerai ; dans ce grand Paris je trouverai bien de l’ouvrage. » Mais, au lieu de venir en aide à la famille, il se trouvait peser lourdement sur elle, car, dès les premières semaines, le père Géraud était tombé malade d’un excès de travail, et depuis lors il n’avait pu se relever.

Quant au bon oncle Jean, il avait caché sa croix de Saint-Louis et passait ses jours entiers à parcourir la ville, demandant partout de l’em-