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CHAPITRE XXII.

Cyprienne et Diane s’étaient rapprochées attentives.

— Mais je pense bien, reprit Montalt avec une nuance de fatigue et de sarcasme, que j’ai eu tort de souffrir… beaucoup de gens me prendraient pour un fou s’ils savaient mon histoire… Et ces gens seraient sages, peut-être… Que m’a-t-on fait ?… M’ont-ils assassiné, dépouillé ?… M’ont-ils seulement trahi ?… Non. J’avais un ami et j’avais une maîtresse… J’aimais la jeune fille au point de lui donner mille fois ma vie… L’autre… qui était mon ami depuis que je sentais mon cœur, je l’aimais jusqu’à lui sacrifier mon amour !

« Il était faible ; je me croyais fort… nous étions presque des enfants tous les deux… Je le vis malheureux ; parce qu’il aimait en secret ma fiancée…

« Peut-être eus-je tort, mes filles, car il y a des dévouements injustes et cruels. La jeune fille avait droit à mon amour, et devant Dieu, moi, je n’avais plus le droit de fuir…

« Et pourtant, je quittai la maison de mon père, avec des larmes dans les yeux, moi, qui ne savais encore que sourire !

« J’emportai dans l’exil mon amitié enthousiaste et l’amour qui devait emplir ma vie.

« De quoi faut-il me plaindre ?… Mon ami