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LES BELLES-DE-NUIT.

veau de Robert ; il entrevoyait bien le moyen d’engager la lutte, mais il y avait désormais tant de chances contre lui !

Et la défaite, ici, devait être la ruine de tous ses espoirs.

Après des années de travail et de peines, le hasard le ramenait en équilibre au bord d’un précipice. Nul moyen de reculer. Au delà de l’abîme, il y avait la fortune.

Mais il fallait franchir l’abîme.

Et si le pied manquait, on roulait tout au fond, où menaçait la cour d’assises…

Sans le savoir peut-être, l’Américain se dirigeait vers l’hôtel du nabab. Tout en marchant, il travaillait à coordonner ses idées et à voir clair parmi les difficultés de sa situation.

Une fois ou deux, il se demanda si le plus sage ne serait pas de faire ses malles et de quitter la France. Mais depuis des années il poursuivait un dessein devenu cher ; il regardait les biens de Penhoël comme étant son domaine. Selon lui, Pontalès l’en avait injustement dépouillé. C’était une nature obstinée en ses projets. La pensée de rompre une trame presque entièrement tissée et de commencer une tâche nouvelle le navrait. Il tenait à son œuvre plus que nous ne saurions dire, et puisait un courage inébranlable au fond de ses regrets.