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saisit le bébé demi-nu à la volée pour le caresser plus à l’aise sur ses genoux.

À peine celui-ci fut-il à portée des cerises qu’il tendit ses deux mains.

— Vois donc, dit Phatmi, combien nous avons dans le sac.

Et pendant que Pétraki allait vers l’armoire, elle ajouta :

— Domenica n’avait pas de cœur pour l’homme qui l’aimait. Elle s’est séparée de son enfant sans pleurer. Pourquoi aurait-elle défendu sa servante ?

— Le fait est, répondit Pétraki, la tête dans l’armoire, que cette jolie poupée nous a mis de côté comme sa dernière paire de souliers ! Ceux qui se dévouent sont des brutes.

— Je l’aimais bien, murmura la Tzigane, et peut-être que l’âme lui viendra quelque jour.

Pétraki haussa les épaules en refermant l’armoire. Il avait un sac de cuir à la main.

— C’est pire que les Français, dit-il, ces gens qui ont eu des esclaves !

Il revint vers la table et y déposa son sac.

Le bébé se bourrait de cerises dont la mère enlevait d’avance les noyaux.

Elles appartenaient à cette espèce vulgaire, mais succulente et sucrée qu’on appelle cerises noires et aussi mauricaudes. Leur inconvénient est de tacher les doigts outrageusement. Ceux de Phatmi étaient teints jusqu’à la troisième phalange en carmin foncé, tirant sur le bleu.