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Tout en dormant, il me semblait que j’entendais bouger, bouger… La mémoire ! Je jurerais que c’était hier !

Quand je m’éveillai le lendemain matin, la maison se taisait de bout en bout. Pas un souffle.

Auprès de moi, sur la nappe, il y avait une lettre qui n’était pas cachetée et qui portait l’adresse de M. de Tréglave (Laurent). Je l’ouvris par habitude et dès les premières lignes je me frottai les yeux à tour de bras, car je croyais rêver encore.

Voici ce qu’elle disait ou à peu près, sauf le style que je vais peut-être embellir malgré moi :


« Noble trésor de ma jeune âme innocente, je ne suis plus digne de vous ! Cette nuit, dans une heure de délire, l’homme que j’estimais comme un père a eu la maladresse d’attenter à mon honneur, à la suite de quoi il a terminé brusquement ses jours au moyen de l’asphyxie déterminée par la vapeur du charbon. Malheureux docteur Strozzi, qui eût pensé ça de toi ? Que l’Être suprême te pardonne ! Moi, séduite par l’exemple de Lucrèce, je sais ce qui me reste à faire. Vous ne me reverrez jamais que dans ce papier arrosé de mes larmes. Adieu ! »


Après avoir lu ça, je me mis à rire, flairant quelque coup monté par Maria dans les jambes de ce benêt de Laurent ; je ne croyais pas encore au charbon, mais il y avait autour de moi une coquine d’odeur comme quand on ferme la clef du haut dans les poêles. Ça venait par les bords de la porte de la chambre à coucher.