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— Ce comte Pernola, dit encore le père Preux, est un gentil monsieur, un homme comme il faut. Il a odeur d’argent, hé ! Tonneau ? Il a été du temps avant de se déboutonner, et puis, il a lâché toutes ses agrafes d’un coup, moi j’aime ça. Et toi ? Est-ce que tu croyais que ce voisin-là était un agneau ? Bourrique ! moi, je le connaissais déjà du temps de ton grand-papa. Vois-tu, les allées de ce beau grand jardin, on pourrait les sabler de louis, si on vidait la caisse des Sampierre. Et la petite princesse est rudement agréable. Pas si bête, l’idiot qui saute par-dessus le mur !…

Une ombre traversa la grande allée qui aboutissait au saut de loup, juste en face de la fenêtre. Il fallait en vérité de bons yeux pour la distinguer de si loin, mais le Poussah avait de très-bons yeux. C’était une femme, vêtue de couleur sombre. Elle se dirigeait vers le pavillon, c’est-à-dire en sens contraire de la partie du saut de loup que le gros homme avait désignée à Fiquet comme propice à une embuscade.

L’ombre ne fit que passer et disparut dans les massifs. Le père Preux pensa :

— Elle a lâché sa gouvernante ! Pourquoi ?

L’horloge du couvent des Dames du Sacré-Cœur sonna dix heures à l’autre bout de la ruelle. La place était désormais déserte et silencieuse. Vous n’eussiez pas trouvé une seule chandelle allumée dans toute la cité Donon, car le père Preux lui-même n’avait garde d’éclairer son poste d’observation.

L’aigre sonnerie du couvent vibrait encore, quand un pas lent et comme hésitant se fit entendre dans la