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— As-tu entendu ce qui se disait ?

— Quelques mots, oui.

— Avaient-il trait à une dame qui habite Ville-d’Avray ?

— Oui, père.

— Les as-tu répétés à la personne que tu accompagnais tantôt au bois de Boulogne ?

Édouard rougit légèrement, mais il répondit :

— Père, vos secrets sont à vous.

Capitaine Blunt prit un ton de bonne humeur.

— Quand on est amoureux… commença-t-il.

— Je ne suis pas amoureux de cette personne, interrompit Édouard dont la rougeur augmenta, mais qui ne semblait pas très-embarrassé, car il avait peine à s’empêcher de rire.

Blunt demanda, pour acculer du coup son adversaire :

— Alors, pourquoi la suis-tu, au risque de rouvrir ta blessure et de chagriner ton meilleur ami ?

— Parce que, répondit Édouard en baissant les yeux, cette fois, je suis amoureux d’une autre personne.

Tout cela, de part et d’autre, était affectueux, mais franc. Le pupille et le tuteur parlaient la bouche ouverte avec une égale netteté.

— Garçon, reprit capitaine Blunt, sans mettre de côté son bon sourire, quand nous avons quitté le pays là-bas, le pays de la guerre et de la chasse, dont tu savais déjà tous les secrets, malgré ta jeunesse, je te dis : Nous allons à Paris — une autre forêt que tu ne connais pas et que, moi, j’ai oubliée. Je te donne ta liberté…