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— De rien, prononça Laure à voix basse, mais ne vous en étonnez pas : c’est la règle. Le sommeil se souvient du sommeil. La veille ne garde mémoire que de la veille.

— Comme c’est curieux, ces choses-là ! comme c’est inexplicable ! moi, j’y crois, vous savez ? Non pas aux autres, mais à vous… Pour en revenir, quand vous me dîtes : « Je dors », je crus que cela signifiait tout bonnement : « J’ai sommeil », d’autant mieux que vous laissiez tomber l’entretien sans rien répondre à mon bavardage, mais au moment où j’allais me retirer, en femme bien élevée qui ne veut pas gêner, vous me prîtes par la main et vos grands yeux m’enveloppèrent d’un regard qui me fit froid partout.

— Et je parlai ? demanda Laure.

— Vous dîtes : « M. le marquis croit l’avoir tué… »

— Qui ? votre fils ? s’écria la baronne dont le regard exprimait une curiosité pleine d’étonnement.

La marquise l’examinait avec attention.

— Oui, répondit-elle. Vous parliez de mon mari et de mon fils.

Laure croisa ses mains sur ses genoux.

— Vous pensez, reprit Mme de Sampierre, si je fus violemment frappée. Je n’ai jamais confié ce douloureux secret à personne.

— Et personne ne le sait ! interrompit Laure vivement, pas même moi ! Prenez garde, Domenica. Vous parlez ici de choses que j’ignore absolument. N’allez pas plus loin, si vous voulez garder vos secrets.