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La maison de Mme Laure de Vaudré, située entre deux hôtels que la saison d’été faisait déserts et entourée par derrière de grands vieux jardins à l’aspect humide aurait pu concourir pour le prix de silence dans ce quartier silencieux.

Quand nos deux amies se turent, après la dernière réponse de la marquise Domenica, il se fit dans le petit salon un repos si mat et si profond que, malgré le beau soleil du dehors, l’idée de la nuit venait.

Vous y eussiez entendu, comme disent les locutions proverbiales, la souris courir ou la mouche voler.

Et par le fait (c’est pour cela que nous avons mentionné l’étrange absence de tout bruit) la souris courait chez cette charmante baronne : une souris noble peut-être et dont les preuves remontaient aux croisades.

Cette souris avait dû se tromper d’heure. Elle courait ou bien elle grattait, comme s’il n’eut point été plein jour.

Ou du moins, derrière la porte fermée du grand salon, quelque chose bruissait, mais si faiblement ! Il fallait la fine oreille de Mme la baronne pour l’entendre.

La marquise Domenica n’avait pas saisi ce bruit presque imperceptible.

Ce fut elle qui reprit l’entretien.

— Souvenez-vous, chérie, dit-elle, vous n’avez pu me rien dire depuis lors, car le lendemain du jour où vous dormiez, Charlotte et moi nous partîmes pour Ems. Pendant ces trois semaines, vous et moi, nous ne nous sommes plus revues.

— C’est juste, fit Laure.