Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/383

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle resta comme éblouie ; un instant sa bouche béante n’eut plus de souffle.

Le rapide regard qui glissa entre les cils de Laure constata ce trouble, mais ce fut tout.

Laure ne parla point.

Sur ses traits, dont l’expression obéissait rigoureusement à sa volonté, l’œil attentif d’un observateur eût discerné peut-être une nuance de triomphe fugitif comme l’éclair.

Nous disons : peut-être.

Et nous parlons d’un observateur clairvoyant.

Mais la marquise Domenica ne brillait pas plus par le sang-froid que par la clairvoyance.

Quand cette bonne marquise, après une minute ou deux, eut enfin conscience de son trouble et frayeur de l’avoir laissé paraître, il était trop tard pour interroger le visage de sa compagne. Celle-ci avait l’air, en effet, de ne plus appartenir à notre monde et semblait absorbée dans ce recueillement qui précède tout acte solennel.

— Je suis prête, dit-elle en gardant cet air de souffrance grave et de résignation qui donnait à toute la scène une couleur si étrange, mettez la bague à votre doigt et tenez le miroir de façon à ce que je m’y puisse voir tout-à-fait en face.

La marquise obéit pour la bague mais négligea le miroir. Son regard restait rivé au chaton qu’un reflet de soleil faisait briller à sa main.

Ce n’était pas un bijou moderne. Les contours de l’écusson étaient tracés selon ces lignes robustes de la gra-