Aller au contenu

Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous savez, répliqua-t-il d’un air embarrassé, quand on ne connaît pas les êtres… J’ai entendu qu’on venait, je me suis lancé dans l’embrasure. Ce n’est pas la place d’une potiche, soyons juste !

— Vous avez eu du bonheur, de n’être pas découvert, ami Donat !

— Si j’avais été découvert, vous n’étiez que deux femmes et je suis toujours armé.

— Est-ce que vous nous auriez tuées ? s’écria Laure.

— Je ne savais pas encore que la grosse lady était ma mère, répondit Mylord. D’ailleurs, j’appartiens à une école, et il y a les principes. Pour chaque cas donné, la théorie fournit la pratique à suivre. Je n’en suis pas à mon coup d’essai, madame.

— Vous avez déjà tué ? dit Laure qui baissa la voix malgré elle.

— Trois fois, repartit Mylord, et la première…

Il n’acheva pas. Vous eussiez dit qu’une main mystérieuse étranglait la fanfaronnade dans sa gorge.

Assurément, la belle baronne n’en était pas non plus à son coup d’essai. Il est probable même qu’au jeu du mal, elle eût rendu bien des points au disciple de Jos. Sharp. Et pourtant cet étrange compagnon lui faisait froid.

Il y avait pour elle quelque chose de redoutable dans cette créature hybride qui semblait faite de contrastes : enfant et vieillard à la fois, naïf et rusé, amalgamant la pudeur et l’effronterie, plein de gaucheries, mais adroit comme un prestidigitateur, assassin effrayé par un péché véniel, rangé, formaliste, bohémien capable de