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Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/136

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Au bout de quelques minutes, il s’arrêta court en disant :

— Je donnerais tout l’or du monde pour douter !… Je veux examiner encore une fois la blessure et voir si les deux carotides furent tranchées…

Il se trouvait juste en face du portrait sans visage. Il dépouilla sa redingote, retroussa ses manches et chargea sa palette en un clin d’œil. Aussitôt que ses préparatifs furent achevés, il se mit à peindre avec une activité singulière, il allait droit devant lui, son pinceau courait sans hésitation et pour ainsi dire sans pensée. On eût dit qu’une force machinale le poussait, ou mieux qu’il savait par cœur sa routine.

Aussi, malgré l’obscurité croissante qui régnait dans la chambre, la besogne allait avec une étonnante rapidité.

Au théâtre de la Porte-Saint-Martin, Mélingue exécutait sa statue d’Hébé en vingt minutes, et il est vrai de dire que la statue était fort belle. En trois fois moins de temps, M. de Sampierre eut achevé sa tâche : il est encore vrai d’ajouter que ce n’était pas un chef-d’œuvre, bien au contraire.

Mais, malgré tout, c’était vivant et frappant. Le nuage manié, avec de brutales énergies, se transforma et s’anima. De sa masse confuse une tête sortit ; une tête de jeune homme qui n’était pas celle du comte Roland, mais qui lui ressemblait : une tête que nous connaissons bien pour l’avoir vue deux fois : une fois au saut de loup du trou Donon et dans le taudis de la Tartare, une autre fois sur le lit de camp, au bivouac en chambre