Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/195

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— Est-ce donc si difficile de parler vrai à celle qu’on aime ? demanda Mlle d’Aleix, dont le sourire appelait un baiser.

Le baiser vint, et ne vint pas seul. Et, parmi ces caresses, Édouard disait de la meilleure foi du monde :

— Eh oui, c’est difficile ! en vérité, bien difficile ! on va essayer pourtant, puisque vous le voulez. Par où commencer ?… Elle a été bonne pour moi, c’est certain ; elle est venue me chercher jusqu’en un lieu où les femmes comme elles ne vont guère. Et si vous saviez comme elle avait honte d’être là !… Elle a travaillé, elle travaille encore pour moi, et je devrais être en route à l’heure qu’il est pour l’aller rejoindre…

— Ah ! fit Mlle d’Aleix qui dévorait ses paroles, impatiente d’y trouver ce qu’il n’y mettait point encore, elle vous attend ?

— Elle doit m’attendre, puisque j’avais promis.

— Et c’est à Ville-d’Avray qu’elle vous attend ?

— Il est certain aussi, d’un autre côté, poursuivit Édouard au lieu de répondre, qu’elle a été déjà accusée devant moi, accusée gravement, d’une chose terrible, épouvantable… Mais c’est si impossible ! Et si absurde ! Les viragos qui courent les champs d’or, là-bas, je les ai vues, je les connais. Elles lui ressemblent si peu ! et l’abominable coquine qui tua mon père Jean sur le Rio-Gila aurait le double de son âge, pour le moins… Ce Chanut est un pauvre bonhomme qui gagne son argent comme il peut !