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Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/212

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C’était l’exacte vérité.

Le mouvement de la porte sur ses gonds fut si absolument muet que M. le marquis ne se retourna même pas. Il appartenait tout entier à la contemplation de son œuvre : cette figure qu’il venait de retrouver en quelques coups de pinceau sous l’amalgame de couleurs qu’il passait sa vie à manier et à remanier sans cesse, tantôt épaississant le brouillard, tantôt le dissipant.

Il pensait tout haut. Avant même de franchir le seuil, Édouard et Charlotte purent l’entendre qui murmurait ces paroles déjà écrites par nous :

— Je n’ai pas besoin de ma science, ici. Le moindre chirurgien de campagne, à première vue, condamnerait cette blessure. Elle attaque manifestement les carotides. Giambattista dit vrai : l’enfant est mort ! je l’affirme… je le jure !

Dans son accent il y avait une froideur morne, et triste.

Charlotte poussa légèrement Édouard qui fit un pas à l’intérieur de la chambre. Elle entra derrière lui. Aussitôt que le regard du jeune homme fut tombé sur le portrait, auquel la figure ne manquait plus, il eut un frémissement par tout le corps.

— Je vous l’ai dit, murmura Charlotte à son oreille : vous êtes son juge !

Et elle attira à elle le panneau qui rendit en se refermant, un bruit presque imperceptible.

À ce bruit, M. le marquis de Sampierre se retourna.

Le soleil, incliné déjà vers l’horizon, frappait maintenant les persiennes du côté de la grande avenue.