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Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/223

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Il réunit les mains des deux jeunes gens dans les siennes. Vous eussiez dit des fiançailles.

— Dieu m’avait tout donné, reprit-il sur le ton de la bonne et intime causerie : je ne sais au monde que Bourbon, Savoie et Bragance pour être d’aussi bonne maison que Sampierre. J’ai eu pour femme un miracle de beauté, et cent familles nobles auraient été riches avec mon revenu. Jamais personne ne fut comblé comme moi… Qu’est-ce que le bonheur et comment nier la fatalité ? Avec tout cela dans la main, j’ai vécu triste, pauvre et seul !

— La fatalité, pour vous, dit Mlle d’Aleix, avait nom Giambattista Pernola. Cette chambre où nous sommes est tapissée de ses victimes.

— Qui donc ? demanda le marquis feignant de ne point comprendre.

— Vous d’abord, répondit Charlotte dont le doigt tendu montra tour à tour les quatre portraits, votre fils ainé, votre femme et votre dernier né.

— Je ne suis pas mort, princesse, objecta bonnement M. de Sampierre, Mme la marquise est en pleine santé, et notre Domenico se porte assez bien, le cher enfant, Dieu merci !

Puis, sans laisser à la jeune fille le temps de répliquer :

— Je suis, dit-il, une mine d’or, entourée de brigands ; Giambattista m’a déjà dit cela, mais il ne m’effraie pas plus que les autres voleurs qui rôdent autour de cette proie. Seulement, lui, il fait sentinelle, remarquez cela ; il me garde contre les autres, croyant que je