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Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/44

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Au lieu de répondre, M. Chanut ferma les deux stores.

— Bon ! pensa Chopé, le patron va faire son bout de toilette !

Et la route se poursuivit silencieusement. Il était environ quatre heures du soir quand le fiacre s’arrêta au lieu indiqué, en plein bois. Pendant que Chopé mettait le nez de ses chevaux dans leurs sacs d’avoine, la portière ouverte donna passage à un bon gros gaillard, coiffé d’une forêt de cheveux noirs, habillé de drap fin qu’il portait mal et dont la cravate bleu de ciel était piquée d’une superbe épingle aussi décorative que la croix d’honneur.

Chopé avait parlé de payse et de domestique sans place ; M. Chanut, à l’aide de changements peu nombreux, mais savants, s’était donné la tournure classique d’un valet de chambre, bonne qualité commune, déguisé en bourgeois pour avancer ses affaires d’amour.

La cravate bleue surtout et l’épingle qui représentait un sabot de cheval faisaient glorieusement illusion. Aucun connaisseur n’aurait pu les rencontrer sans se dire : « Voilà Baptiste qui va où son cœur l’appelle ! »

Chopé, tout blasé qu’il était sur ces métamorphoses féeriques, ne put s’empêcher de rapprocher ses deux grosses mains comme font les délicats du théâtre Italien, quand ils applaudissent à la muette.

M. Chanut alluma un magnifique londrès sans défauts, car Baptiste congédié fume encore pendant trois mois le souvenir de son maître, et disparut au coin de la route en jouant avec le stick perdu que « monsieur »