Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/18

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— Il faut que tu saches tout, père, disait-elle. Jamais il ne te racontera son histoire comme à moi. Ils ont été d’abord bien heureux, j’entends sa femme et lui. Elle s’appelait Irène comme la petite bien-aimée. Elle était belle, belle, mais belle ! et toute jeune. M. Vincent avait un cabinet. Il faisait pas mal d’affaires pour un débutant, mais crac, voilà que Mme Irène devient pâle et qu’elle commence à tousser, quelques mois après avoir mis au monde la mignonne, qui est tout son portrait. Les médecins viennent et ordonnent les eaux, puis l’Italie ; on ne travaille plus. Et, vois-tu, ce n’est pas son argent que M. Vincent aurait voulu donner, c’est son sang, c’est sa vie…

— Pauvre M. Vincent ! interrompit le colonel, qui réussit assez bien à dissimuler un bâillement. Voilà un bien grand malheur !

— Cela dura trois ans, continua Fanchette. Madame Irène mit tout ce temps-là à souffrir et à mourir. Quand M. Vincent revint en France tout seul et en deuil, il avait deux enfants à nourrir, parce qu’il ramenait avec sa fille, un joli petit garçon que madame Irène aimait bien et qu’ils avaient rencontré en Italie. Il a nom Reynier, il sera bientôt un jeune homme. Pour les élever tous deux, Reynier et la petite Irène, M. Vincent reprit la truelle et travailla de ses mains…

— Mignonne, fit le colonel en repoussant son as-