Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/184

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coup de gaule sur l’oreille de la bête, tâche de jouer des jambes, mauvaise chèvre ! je t’éventre si tu fais un faux pas !

Le cheval, qui ne méritait pas ces injures, prit le galop malgré la couche épaisse de fange qui couvrait le chemin.

Le marchef semblait avoir un talisman pour se diriger dans la nuit noire.

Il était obligé de faire force détours, car les plus petits ruisseaux étaient changés en torrents.

Dans un de ces détours, un éclair me montra, à ma droite, un ravin profond et sombre, au-delà duquel je crus distinguer les profils d’une vaste construction.

— J’aurais voulu ne pas repasser par ici, murmura mon compagnon. Du diable si je n’ai pas vu les deux yeux du Coriolan luire au fond du trou ! Damné pays ! Ha ! Cagnotto, bique galeuse ! c’était un beau gars ! Et, voici deux heures à peine, il était plus ferme que toi sur ses jambes.

Il entonna Malbrough sen va t’en guerre, et le cheval bondit, parce qu’il le piquait a l’aide de son couteau.

La route dura une heure environ.

Pendant la seconde moitié du chemin, le ciel s’était éclairci, quoique le vent continuât de faire rage. Le marchef ne m’avait pas adressé une seule fois la parole.