Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/291

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L’excès amène l’invraisemblance. L’esprit fait ici comme l’estomac, il rejette.

J’ai hésité, je l’avoue, devant l’inventaire effrayant que ce vieillard, arrivé au terme de l’âge, dressait avec une inexprimable volupté pour son prisonnier condamné à mort.

Les sauvages du Nord-Amérique n’en agissent pas autrement ; ils torturent leurs captifs avant de les massacrer.

Et il y a, tous les voyageurs l’affirment, une ivresse dans le paroxysme même de ces souffrances barbarement prolongées. Ceux qui vont mourir chantent.

Vincent restait muet, mais son ivresse était plus profonde et son exaltation plus ardente que le transport bruyant des captifs du désert.

Un immense émoi pesait sur sa pensée, sa seule souffrance était désormais le doute.

Il eût voulu voir de plus près, toucher, palper — jeter bas ces prodigieuses architectures et se rouler, et se baigner dans leurs sonores débris.

Il y avait des années qu’il poursuivait ce rêve dans la veille et dans le sommeil. Il avait imaginé des féeries auxquelles il croyait et ne croyait pas en même temps, comme ces amoureux qu’un doute ferait mourir et qui doutent toujours, et qui vivent.

Son rêve se réalisait enfin, poussé tout à coup à une puissance tellement imprévue que le doute per-