Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/57

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Si on lui eût demandé pourquoi, peut-être n’aurait-il point su répondre.

Et pourtant il avait un but, ou plutôt un instinct le poussait.

Arrivé au milieu du champ, il planta sa canne en terre et y attacha son mouchoir flottant comme pour figurer un drapeau.

Cela fait, il hésita un peu, honteux qu’il était de son projet puéril.

Mais la fantaisie fut la plus forte, et il dit d’un ton décidé :

— Je veux voir !

Voir quoi ? C’était comme un défi qu’il se portait à lui-même. Il concentra résolument sa pensée et noua sa cravate en bandeau sur ses yeux, disant encore :

— Si je tombais juste, que croirais-je ?

Il marcha droit devant lui, à tâtons, ne se détournant ni pour les mares, ni pour les aspérités du sol, mais se reportant aux impressions subies par lui dans la voiture, et reproduisant avec un soin minutieux les angles qu’il croyait avoir décrits, non plus en allant mais en revenant de la maison de campagne du colonel.

Il opérait de mémoire, en agissant ainsi, une réduction proportionnelle sur le temps écoulé et la distance parcourue.

Cela n’avait pas le sens commun. On sait que,