Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sien ? N’a-t-il pas confié à moi seule au monde et son vrai nom et ses splendides espérances ?

Irène s’arrêta, regardant toujours le portrait, et prononça tout bas ;

— Suis-je une ambitieuse ? Est-ce pour cela que je l’aime ?

Son regard limpide comme celui d’un ange, répondit à cette question qui était un scrupule.

Elle revint à sa place, toute rêveuse. Le portrait fut mis à côté de la lettre.

— Non, fit-elle, ce n’est pas pour cela. Il y a en moi une énigme. Quand mon cœur s’élançait vers Marie-de-Grâce, autrefois, il me semblait qu’elle me regardait avec les yeux de Reynier, et c’est ma tendresse pour Marie-de-Grâce qui m’a poussé vers son frère Julian. Reynier ! Julian ! tous deux si différents et si semblables ! Il y a des moments où, pour moi, ce portrait ressemble à Reynier plus encore qu’à Julian…

Pendant qu’elle parlait, sa main jouait avec les fines soies dont elle se servait pour sa broderie.

Elle avait défait un écheveau de couleur brune, dont elle brouilla les fils en les roulant entre ses doigts.

Cela produisit quelque chose comme ce travail en cheveux que les coiffeurs appellent du « crêpe » et qui sert à faire la fausse barbe des gens de théâtre.

Irène qui souriait d’un air pensif, fit jouer ses ci-