Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/164

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— Pauvre histoire ! murmura Irène comme malgré elle.

— Il y a plus de vingt ans que je connais votre père, poursuivit Marguerite. Je fus une dizaine d’années sans le voir, et il est probable que l’élève des Beaux-Arts de 1820 avait déjà perdu, à l’époque où le colonel Bozzo me l’amena, un peu après 1830, tout souvenir d’une pauvre fillette qui le servait à table dans la petite pension de la rue Saint-Jacques où il prenait ses repas, moyennant 45 francs par mois.

— La jeune fille, c’était vous, madame ?

— Ce ne serait pas une soirée qu’il nous faudrait, ma chère enfant si ma propre biographie était sur le tapis. Je suis la femme des aventures, quoique je ne les aie jamais cherchées. Elles sont venues à moi par troupes. Mais il ne s’agit ici que de vous et des vôtres. Dans mon désir subit et un peu romanesque de savoir s’il m’était possible de faire quelque chose pour vous, je consultai un oracle : mon oracle ordinaire… et tout d’abord, je vous prie de me pardonner cela.

— Je n’ai rien à vous pardonner, madame, répondit Irène avec une certaine hauteur, par la raison que je n’ai rien à cacher.

— C’est vrai, prononça tout bas Marguerite. Vous n’avez rien à cacher aujourd’hui.

— Demain, ce sera vrai encore.