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Irène n’écoutait plus. Elle avait commencé la lecture de la lettre, dont elle suivait les lignes avec une profonde stupéfaction.

Son écriture de femme, élégante et gracieuse, était imitée avec un art si parfait que, pour elle, le premier moment fut tout entier à la surprise.

Il ne pouvait y avoir doute, puisqu’elle savait n’avoir point écrit cette lettre ; mais elle pensa : « Tout autre que moi-même y devait être trompé. »

Et l’esprit d’examen se fit jour.

Dans les pièces imitées, il y a un fait singulier. Quelle que soit l’habileté du faussaire, il ne peut jamais se séparer de « sa main, » c’est-à-dire du moyen tout personnel qu’il emploie pour manœuvrer la plume.

Ceci est caractéristique comme le style d’un lettré, comme le faire d’un peintre. On peut le déguiser, non point l’anéantir.

Les experts se trompent rarement à ce signe, bien plus certain que la forme même des lettres, la volonté pouvant toujours modifier l’habitude.

Irène n’était pas un expert, mais elle était femme et il s’agissait de celui qui avait occupé sa pensée depuis les jours de sa jeunesse.

Le cavalier Mora lui écrivait souvent. Elle lisait et relisait ses lettres. Sa « main » lui était familière comme le son même de sa voix.

Avant d’avoir lu ou plutôt compris une seule