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On ne peut dire qu’elle réfléchissait, car tout en elle était désordre et détresse, mais dans le chaos de son intelligence un nom se faisait jour : Reynier.

Elle appelait Reynier de tout l’élan de son cœur. Cette nuit, un bandeau était tombé de ses yeux.

Ce voile, qui venait de se déchirer pour elle lui semblait déjà lointain et comme invraisemblable. Elle n’y voulait plus croire.

Il y avait un siècle entre elle et le pâle fascinateur qui avait troublé sa raison d’enfant. Parce qu’elle ne croyait plus, elle n’avait jamais cru. Elle se sentait écrasée de remords.

Elle haïssait, elle aimait avec toute la puissance de sa nature.

Et un étrange mirage lui montrait à la fois les objets de son amour et de sa haine, Reynier et le comte Julian : deux jumeaux par la ressemblance, par l’âge ; un fils et un père…

Nous avons dit à l’histoire, non pas d’une minute, mais de quelques secondes.

Toutes ces choses passèrent dans l’esprit d’Irène avec une rapidité foudroyante.

Et il ne resta qu’un nom : Reynier ! Reynier !

Le premier souvenir de son enfance, celui dont son père disait : il aime comme une mère !

Le cher sourire qu’elle revoyait penché sur son berceau, le bel ami qui la portait dans ses bras toute petite en lui parlant déjà comme à une femme : si