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Ils avaient la main dans la main. Reynier était debout. Irène s’asseyait à la place même où le départ du ménage Canada l’avait laissée. Ses yeux étaient baissés. Elle attendait.

Elle attendait la première parole de Reynier, qui, certes, ne devait être ni une allusion, ni un reproche. Elle reconnaissait trop le cœur de son amant pour craindre cela. Reynier, pour employer l’expression si belle et si démodée des vieux conteurs, était un miroir de généreuse délicatesse.

Ce qui faisait peur à Irène, ce qui l’opprimait comme une torture, c’était le silence même, et pourtant, quand il se fût agi de sa vie, elle n’aurait pas pu trouver le mot qui devait le rompre.

Reynier, égoïste pour une fois, la contemplait avec ravissement. Jamais, aux heures de désespoir dont il avait failli mourir, quand ses rêves cruels et bien aimés lui montraient le bonheur perdu au travers d’un délicieux mirage, jamais il ne l’avait pleurée si adorablement belle.

Tout à coup, il sentit une larme qui tombait sur sa main.

Puis, d’un brusque mouvement, cette main, serrée avec force, fut portée aux lèvres d’Irène.

Il se laissa tomber à deux genoux. Les bras de la jeune fille se nouèrent autour de son cou, et elle l’attira contre sa poitrine dans une étreinte emportée.