Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/317

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sans doute, et sa fièvre, calmée par l’épuisement, lui donnait trêve.

Depuis le départ des époux Canada, le carré était désert et muet.

Les derniers mots de Reynier avaient laissé Irène frissonnante. Elle dit :

— Es-tu bien sûr qu’il soit ton père ?

— Il y a longtemps, répondit Reynier, oui, bien longtemps que cette crainte est née en moi. Je ne saurais dire comment elle se glissa dans mon esprit, mais il certain que mon aventure nocturne dans la campagne de Sartène laissait une plaie mystérieuse au fond de mon souvenir. Combien de fois, à Rome, me suis-je éveillé en sursaut, fuyant ce portrait du marquis Coriolan qui était ma propre image, et bouchant mes oreilles pour ne pas entendre la voix de ma vieille hôtesse, disant à Coyatier : il lui ressemble ?…

Le jour où, dans la galerie du comte Biffi je me trouvai en face de cette toile bizarre, le tableau du Brigand, dont tu as vu plus tard la copie, je sentis mes jambes se dérober sous moi. J’étais là encore, je me reconnaissais. Seulement, je n’étais plus victime, mais meurtrier.

En Corse, la vieille Bamboche m’avait initié à la loi de notre famille : Frapper ou être frappé ! Ma destinée me guettait partout. Son doigt menaçant