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Quand je vins au monde, Julian l’avait déjà abandonnée.

Il revint pourtant, car mon berceau fut volé quelques semaines après ma naissance. On le retrouva au fond d’un ravin où je reposais sur une motte d’herbe, entre deux rochers dont le choc aurait dû me broyer.

Moi aussi, j’ai la vie dure.

Dans l’espace de trois ans, ma mère fut obligée de me défendre cent fois. Un soir, à Vérone, je reçus un coup de stylet dans ses bras.

Ce fut alors que, désespérant de me protéger contre cette haine patiente dont elle connaissait d’ailleurs le motif, car Julian, pour la séduire, lui avait confié le secret de ses espérances, ce fut alors qu’elle résolut de me séparer d’elle.

Je m’appelais Juliano comme mon père. Quand j’eus cinq ans, elle me mit au cou un billet, portant le nom de Reynier, et elle m’abandonna, endormi, sur les marches du couvent de Saint-François, à Trévise.

Tu sais le reste, et comment la sainte qui est maintenant au ciel, Mme Carpentier, ta mère, me recueillit petit vagabond sauvage, pour faire de moi le plus heureux des enfants.

Mon obscurité me cachait aux autres et à moi même. Au moment où elle se sépara de moi à Tré-