Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome II.djvu/326

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Reynier pressa les mains de la jeune fille contre son cœur, mais il ne répondit pas.

Elle l’interrogea d’un regard anxieux, puis elle murmura d’une voix lente et pleine d’effort :

— Ta mère a dit encore autre chose, mon Reynier. Moi aussi, il me semble que j’écoute cette voix de l’agonie. Ta mère a dit : Cette jeune fille serait ta perte. Elle t’a trahi, oublie-la.

Le jeune peintre voulut nier, Irène continua avec énergie.

— Elle avait raison. Je te dis que je l’entends. Elle a ajouté : Cette jeune fille attirait l’ennemi sur tes traces. Elle est ton danger, elle est ton malheur et ta perte. Elle a un père que la mortelle maladie a touché. Nul ne peut le sauver, celui-là, ni le guérir : Il a vu le trésor !

À son tour Reynier tressaillit, balbutiant malgré lui.

— C’est vrai, elle a dit cela.

— Elle avait raison ! elle avait raison ! s’écria Irène triomphante, mais navrée. Il faut lui obéir. Nous sommes le malheur, mon père et moi, nous sommes le danger ; il faut nous abandonner tous les deux.

Elle parlait du fond du cœur, et sa voix suppliait.

Reynier la contemplait en extase. Au plus lointain de l’absence et dans ses rêves d’amour il ne l’avait jamais si passionnément adorée.