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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/103

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IX

Une heure d’amour.


Il est des victoires trop complètes qui font mal. Toutes les surprises ne sont pas joyeuses. Il m’a été conté un fait bizarre. Dawsy, le fameux dompteur de serpents, se vantait de mettre la main à première vue et sans préparation sur tout reptile. Un Américain facétieux, car la France n’a pas le monopole des « bonnes farces, » plaça un matin un petit serpent noir terriblement taché de jaune, dans la ruelle de Dawsy, son ami, et s’établit à fumer son cigare, guettant les sensations que devait trahir le réveil du dompteur. Celui-ci s’éveilla, vit le petit serpent et sourit. C’était vraiment un homme intrépide, car il ne manifesta d’autre souci que la crainte d’effrayer l’animal. Il avança la main avec précaution et empoigna la bête au cou. Mais à peine l’eut-il touchée qu’il tomba sans connaissance.

Le petit serpent était de carton.

Le contact d’une matière inerte, la surprise, avaient foudroyé cet homme qui venait de sourire froidement à la pensée d’une lutte mortelle.

Dans un ordre d’idées beaucoup moins excentriques, interrogez votre médecin et demandez-lui ce qui arriverait si, en proie à quelque soupçon jaloux, à quelque brutale colère, vous donniez aux muscles de votre jambe l’élan qu’il faut pour enfoncer une porte et que, — je suppose qu’il fasse nuit, — la porte se trouvât grande ouverte.