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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/23

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Mais M. Lecoq bouclait sa malle après avoir payé sa note. Tout était prêt, rien ne traînait, sauf la canne de jonc à pomme d’argent, oubliée à dessein dans un coin.

M. Lecoq descendit en sifflant un petit air ; Jean-Baptiste Schwartz le suivit. L’équipage du commis-voyageur de la maison Berthier et Cie, brevetée pour les caisses à défense et à secret, coffres-forts, serrures à combinaisons, etc., était une méchante carriole, mais son petit cheval breton semblait vigoureux et plein de feu.

« Donnez-vous des arrhes ? prononça faiblement le jeune Alsacien au moment où son compagnon mettait le pied sur le montoir, disposé comme les faux des chars antiques.

— Pas un fiferlin, Jean-Baptiste, hé ! répondit M. Lecoq. Je ne vous cache pas que vos hésitations me déplaisent. Dites oui ou non, bonhomme…

— Si je faisais la chose, demanda J.-B. Schwartz, où vous rejoindrais-je ?

— Dites-vous oui ?

— Non…

— Alors, que le diable t’emporte, Normand d’Alsace !… À l’avantage !

— Mais je ne dis pas non. »

M. Lecoq prit en main les rênes. Schwartz faisait pitié. Pour le même prix, il eût vendu la chair de son bras droit, ses dents qu’il avait longues et bonnes, sa forêt de cheveux et peut-être le salut de son âme. — Mais il avait peur de s’exposer à mal faire, dans le sens exact que la loi attache à ce mot.

« Gare ! cria M. Lecoq qui fit claquer son fouet.

— Je dis oui… balbutia J.-B. Schwartz avec abattement. »