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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/257

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II

Un brochet de quatorze livres.


Nous n’avons pas la prétention d’affirmer que l’Aigle de Meaux no 2 fût, ce soir, le théâtre d’événements bien dramatiques ; nous présentons seulement, à leur tour et comme ils se produisirent, certains petits faits dont le croisement suffit à peine pour chatouiller la curiosité. C’est tout au plus de la graine d’intérêt. Mais ici près, dans la forêt de Bondy, le hasard ne mit qu’un gland ; moins gros qu’une noix, à la place où s’élève maintenant un grand chêne.

À une lieue en avant de l’équipage de Trois-Pattes, ce mendiant à qui les gaietés riveraines donnaient un baron pour banquier et pour favorite une comtesse, deux hommes pêchaient à la ligne, non loin du fameux château de Boisrenaud, qui avait pour lui seul un débarcadère. M. Schwartz, le maître du château de Boisrenaud et l’un des principaux actionnaires des bateaux-poste, valait bien cela.

Nos deux hommes étaient voisins et rivaux d’honneur. Un peintre aurait pu les prendre pour sujet d’un tableau de genre, intitulé : le Riche et le Pauvre. Le pauvre, plus mal couvert encore que notre ambitieux Similor, avait tournure d’infirmier en disponibilité et portait l’uniforme des garçons en pharmacie, usé lamentablement ; son tablier de toile grise, à besace, n’était plus qu’un lambeau. C’était un brun, coiffé de cheveux noirs ébouriffés sous son chapeau de paille en