vant tout le monde, son front au baiser de son mari, grondeur, défiant, despote, mais esclave, et lui dit, répondant ainsi d’un seul coup aux diverses questions de Blanche :
« C’est cette petite Edmée… Mlle Leber. Elle n’a pas voulu rester pour nous faire ses adieux.
— Ses adieux ? » répéta le baron.
Et Blanche, tout à coup triste :
« Elle nous quitte ? »
Mme Schwartz s’assit à sa place, au centre de la table, et ajouta négligemment :
« Elle part pour l’Amérique.
— Désintéressement de l’artiste ! dit M. Schwartz. Jolie, cette petite, très jolie. Alouettes toutes rôties, là-bas, à ce qu’elles croient… Bon, le potage… Reviendra vieille et sans le sou. Comique ! »
L’accent allemand de cet habile financier donnait à ces façons de parler elliptiques dont il ne se départait guère, une très agréable saveur.
Blanche aurait bien voulu interroger ; mais, autour de cette table, il n’y avait qu’elle pour s’intéresser à Edmée Leber.
C’était une maison montée supérieurement. Tous les jours, après le potage, Savinien Larcin, le vaudevilliste du Père-Lachaise, était chargé de faire un rapport verbal sur les meilleures pointes du Charivari, du Corsaire et des autres journaux d’esprit. On sait quel éclat jetèrent, sous Louis-Philippe, ces ingénieux organes, amour de la bourgeoisie. Les millions protègent le gouvernement, mais ils ont un faible pour l’opposition. Quels espiègles charmants !
Savinien Larcin, petite bête de lettres, noire comme une taupe, prenait son bien où il le trouvait. Il avait de la gaieté plus qu’un mirliton défoncé. Plutôt que d’in-