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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/103

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faisait le bonheur de Saladin pour tout son avenir ? et qu’il nous protégerait par la suite… Que nous irions le voir à son château, sur l’impériale, et qu’il nous mettrait des bourses dans la main, sachant le secret de sa naissance qu’on cacherait à l’univers entier. On ne ferait pas semblant de rien en entrant, mais on s’épancherait dans son cabinet, loin des regards de la foule… Bonjour, papa Similor ! Ça va bien, maman Échalot ?

— Enchanteur ! murmura ce dernier, qui pleurait et qui riait à la fois. Comme tu manies la parole avec adresse ! Pour son bonheur, vois-tu… »

Il s’arrêta et reprit :

« Mais s’il allait nous renier plus tard ?

— Incapable ! protesta Similor. Je ne te dis pas qu’il nous embrassera dans la rue. Ça ne serait pas raisonnable… mais il nous fera des petits signes amicaux du sein de son carrosse.

— Je n’en demande pas davantage ! soupira tendrement Échalot.

— Et puis d’ailleurs, crois-tu que nous ne serons pas habillés proprement, à l’époque ?

— Dam ! s’il en fait les frais généreusement…

— Il les fera, j’en réponds !… Viens te coucher. »

Échalot embrassa une dernière fois le futur pair de France et s’étendit sur la paillasse. La concorde était rétablie entre les deux amis. Pendant un quart d’heure, ils dialoguèrent leurs légitimes espérances, puis ils trouvèrent un sommeil plein de rêves où ils se virent tous deux, gras et cossus, fêtant la bombance éternelle.

De bonne foi, Saladin, héritier acheté par l’impotent, pouvait-il faire moins pour papa et maman ?

Ils ronflaient tous deux, maman et papa, pauvres estomacs creux, pauvres consciences vides. Courez le