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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/14

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« Nous ne ferons jamais rien ensemble, dit-il. Je suis un poète et tu n’es qu’un pitre !

— Merci, répliqua Étienne ; traduction libre : M. Étienne Roland ne peut pas grand’chose et M. Maurice Schwartz ne peut rien du tout. Adjugé ! »

Encore un Schwartz, ô lecteur, quelle famille !

Maurice se promenait à grands pas, drapant les plis affaissés de sa pauvre robe de chambre.

« C’est le signe des temps, prononça-t-il gravement ; les vocations s’égarent. Tu aurais fait un clerc de notaire très suffisant ; moi, j’aurais étincelé chez l’agent de change. Nous étions parfaitement dans la maison de M. Schwartz, qui nous aurait fait à tous deux une position, à cause de nos parents ; il le voulait ; c’était son mot. Nous, pas si bêtes ! nous aimons bien mieux mourir d’impuissance et de faim !

— Voilà notre pièce, parbleu ! s’écria Étienne avec l’enthousiasme le plus vif. Tu as tout un côté du génie, sans t’en douter. Du reste, les inventeurs en sont tous là. Vois Salomon de Caus qui trouva la vapeur en regardant bouillir sa tisane ! Deux vocations égarées, quel titre ! Et toute la vie moderne là-dessous ! Édouard pourrait nous servir, c’est clair, Sophie aussi, aussi Olympe Verdier ! Ne perdons pas nos types, diable ! Le baron Verdier serait superbe là dedans ! Et M. Médoc ! Et la marquise Gitana ! Au dénoûment, tous les notaires seraient des poètes et tous les poètes seraient des notaires. Allume ! »

Il saisit d’un geste convulsif sa pipe de porcelaine qu’il bourra vigoureusement.

« Je comprends les inconséquences d’Archimède, conclut-il. Quand on ne parcourt pas, en toilette de bain, les rues de Syracuse, on n’est pas digne d’avoir une idée à succès ! »