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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/145

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seau. La pièce d’entrée était libre et formait antichambre ; dans la seconde, sorte de petit salon à l’ameublement austère et démodé, une sœur de charité veillait près d’une table où deux bougies éclairaient un crucifix ; le moribond était dans la troisième : une chambre à coucher de belle largeur, mais presque nue, éclairée par une seule fenêtre, donnant sur le balcon du jardin, et percée de quatre portes, dont une seule restait ouverte : celle de la pièce où veillait la sœur.

Une table de chêne, placée au chevet du lit, soutenait diverses fioles qui mettaient dans l’atmosphère cette odeur particulière à la chambre des malades.

Auprès de ce troupeau vulgaire et multiple, connu dans les différentes zones de notre formation sociale sous le nom de « tout Paris, » l’homme qui mourait sur ce lit plat, entouré de rideaux en perse bleue fanée, avec une bordure de petits glands de coton blanc, passait pour riche. Il avait des fonds dans la maison Schwartz. Son hôtel payait de mine extérieure, et il faisait du bien, comme on dit vaguement.

Dans un certain monde mieux informé, il passait pour très riche et l’on s’y défiait un peu de sa philanthropie.

Enfin, dans le cercle restreint et spécial des gens complètement initiés au roman de sa vie et à la nature des affaires qu’il avait faites, il avait la réputation de cacher quelque part un monceau d’or et de n’être pas simplement un apôtre.

Car la vie de cet homme était, en définitive, un profond mystère. Habillé de mœurs différentes, selon les temps et selon l’âge, il avait joué le plus difficile de tous les rôles, au grand jour, en face de l’opinion commune et sous les besicles de la loi. C’était un grand comédien. Il mourait victorieux, la tête sur un tran-